On gère tous les drames de la vie différemment. Je fais partie de ces hypersensibles qui ont besoin d'extérioriser. Entre deux silences lourds. Et même si je n'ai perdu aucun proche, je suis meurtrie.
Ne pas céder à la colère. Je ne nourrirai pas la leur avec des mots vindicatifs voire radicaux. Je ne compte pas céder à la facilité de l'amalgame, et encore moins à celle de la tolérance.
J'ai pleuré toute la nuit devant la télé, au téléphone avec ma mère. J'ai mis du temps à réaliser, à comprendre que l'horreur reprenait. Que des innocents allaient payer, parce que leurs vies n'étaient pas celles que ces fanatiques souhaitent nous imposer. Leur volonté, leur foi, leur dolorisme.
Je suis une femme, j'ai 35 ans, j'ai divorcé, je vis seule. J'ai fait le choix de ne pas avoir d'enfant. Je vis dans un pays où j'ai le choix d'en avoir ou non. Je vis la vie qui me plaît. Je bois de l'alcool, je sors. Souvent. J'ai une petite croix toute brillante autour du cou. Je tiens un blog, je mange en terrasse, je ris, je parle de cul, j'ai des tatouages, je baise, j'écoute de la musique qui fait du bruit, je voyage, je dis ce que je pense. Je suis libre. J'aurai pu être à la place de tous ceux qui ont péri.
Quand je vois ce qu'ils ont mis en cendres, les lieux, les gens, les rues, j'ai l'impression qu'ils ont tué une partie de mon univers, une partie de mes lieux de liberté. Tué mes frères de débauche qui aiment sortir, s'enjailler en terrasse ou au son des guitares électriques le vendredi soir. Ça aurait pu être ma meilleure amie. L'homme que j'aime. Ma voisine. Mon collègue.
Et je préfère m'éteindre s'il le faut plutôt que de céder à leur menace. J'ai foi en la vie, foi en l'amour, foi en la liberté, foi en mes valeurs. Je veux vivre. Encore et encore.
Il est difficile de contrôler un sentiment de colère. De respirer un grand coup. De compter jusqu'à 10 comme le font les enfants quand ils ont peur des monstres dans leur lit. De ne pas céder à la panique. D'un magasin trop bondé, d'un transport en commun. Il est difficile de supporter l'autre, cette menace potentielle. N'importe ou. Je me demande si je ne devrais pas prendre des cours de Krav Maga pour pouvoir en étaler un dans un TGV si besoin. Mais je pleure aussi beaucoup. Il est difficile de reprendre la vie comme avant.
Je vois ces visages dans les médias. Ces sourires. Ces vies détruites. Je vois la fureur de vivre dans leurs yeux. Cette envie d'encore. D'avenir. Eux dont le tort a été d'aller boire une bière en terrasse avec des potes, d'aller bouffer le meilleur bo bun de Paris, dans un quartier en plein essor ou Amélie Poulain jetait des cailloux , d'aller écouter du bon son.
Parce qu'il faut le dire, ils avaient bon goût nos amis disparus …
Quand je suis arrivée au boulot lundi matin, j'ai mis mes écouteurs dans les oreilles. J'étais incapable de travailler, de penser, d'être objective. J'ai lancé mon flow sur Deezer et la première chanson a été The Show Must Go On de Queen.
Alors oui, mes pourceaux d’Épicure, le spectacle continue. La joie. La vie. L'amour. Avec l'intensité d'un mot compte triple. Pour tous ceux qui sont partis.
Il va me falloir quelques jours. Être près des miens. Remettre mon cerveau dans le bon sens. Faire un reset. Après un accident de personne, mon TGV qui percute une voiture, ces massacres, un enfant tué par balle dans le collège où j'ai fait ma scolarité, je crois que j'ai besoin de quelques tartines à l'avocat. Nourriture terrestre réconfortante. Chez moi.
Il vous faut
Pour votre déjeuner
- 2 belles tranches de pain de campagne - 2 cuillères à soupe de fromage frais
- Quelques brins de ciboulette
- Quelques brins de coriandre
- Fleur de sel
- Poivre du moulin
Facultatif : œuf mollet, jambon blanc, gruyère en tranche, graines ...
Faites griller vos tranches de pain au grille pain. Laissez tiédir.
Tartinez généreusement de fromage frais. Salez et poivrez.
Ciselez de la ciboulette et parsemez la tartine.
Ouvrez l'avocat en deux, pelez le et détaillez en tranches fines.
Parsemez vos tartines de ces tranches. Ajoutez de la ciboulette et de la coriandre fraiche.
Salez et poivrez.
Dégustez, comme moi, avec un thé Earl Grey au lait.
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